Les personnes handicapées revendiquent l’accès aux tests PCR (COVID-19)
Le 17 janvier 2022, le Devoir a publié un article présentant l’importance pour les personnes handicapées d’avoir accès aux tests PCR.
Cet article a été publié en lien avec les démarches entreprise par le RAAQ. En effet, l’organisme a rédigé une lettre ouverte revendiquant l’accès aux tests PCR pour les personnes handicapées. Ladite lettre ouverte a été publiée dans le Devoir et signée par plusieurs organismes œuvrant auprès des personnes handicapées.
L’AÉRA adhère aux démarches du RAAQ et y appose également sa signature. De plus, pour mettre du poids à cette démarche, l’association a envoyé un communiqué à chacun des députés provinciaux représentant la Mauricie et le Centre-du-Québec. L’AÉRA souhaite que ces actions permettrons aux personnes handicapées visuelles et autres de faire valoir leur droit à l’accès à des mesures adaptées à leur condition.
Des personnes en situation de handicap, qui sont incapables d’utiliser les tests rapides par elles-mêmes à la maison lorsqu’elles ont des symptômes de COVID-19, aimeraient être ajoutées par le gouvernement du Québec à la liste des personnes prioritaires pour avoir accès aux tests PCR.
Alors même que Québec restreignait début janvier l’accès aux centres de dépistage, qui étaient sous pression à cause du variant Omicron, Lucie Giroux, qui a perdu la vue il y a quelques années, a commencé à se sentir malade. Elle avait quelques tests rapides, grâce à une voisine, mais elle n’était pas en mesure de les utiliser par elle-même et de voir le résultat.
« Je ne vois absolument rien, explique la Montréalaise au Devoir. J’ai dû demander à mon voisin, qui voit mieux que moi, de s’habiller en astronaute pour venir chez moi et me faire passer un test rapide. » Le résultat étant positif, elle est restée isolée avec sa mère âgée de 76 ans, qui a, elle aussi, de grandes difficultés à utiliser un test par elle-même.
« Je mets les gens en danger, renchérit Lucie Giroux. Pour passer un test PCR, j’ai besoin de quelqu’un pour m’amener, mais, là-bas au moins, nous avons de l’aide professionnelle. J’ai besoin des yeux d’autrui, j’ai besoin d’aide professionnelle », souligne-t-elle.
J’ai dû demander à mon voisin, qui voit mieux que moi, de s’habiller en astronaute pour venir chez moi et me faire passer un test rapide
— Lucie Giroux
Patrick Desjardins fait face au même problème. L’homme de 45 ans, qui réside à Montréal, est paralysé. « Je ne peux pas utiliser de test rapide, affirme le président d’Ex æquo, un organisme qui défend les droits des personnes ayant une déficience motrice. C’est vraiment un problème pour nous. »
Une préposée vient régulièrement lui donner un coup de main, mais il s’inquiète des risques de la contaminer. « Ce n’est pas l’idéal », dit-il. Un risque amplifié par le fait que le fils de l’homme, qui s’est récemment séparé de sa conjointe, recommencera à fréquenter l’école en personne et pourrait attraper la COVID-19.
55 organismes signent une lettre
« C’est un problème majeur », lance Antoine Perreault, directeur général du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec (RAAQ). Au Québec, plus de 200 000 personnes ont un problème de vision, selon des chiffres de l’Office des personnes handicapées du Québec datant de 2017. Plus d’un million de personnes âgées de 15 ans et plus dans la province ont au moins une incapacité, est-il également précisé.
À l’initiative du regroupement, 55 organismes du milieu communautaire ont signé une lettre, que Le Devoir a obtenue et publiée sur son site Web, pour réclamer que les personnes handicapées soient ajoutées à la liste des groupes ayant droit aux tests PCR. « C’est une question de sécurité et d’égalité, écrivent les signataires. Nous ne remettons pas en question l’importance de prioriser les dépistages. Mais il est inconcevable que les personnes handicapées n’aient pas droit aux tests PCR. »
Plusieurs groupes sont touchés, explique Antoine Perreault. « Ce n’est pas accessible [les tests rapides] pour une personne ayant des difficultés de motricité fine, souligne-t-il. Je discutais avec des gens qui représentent des personnes avec une déficience intellectuelle, et comprendre comment ça fonctionne et le faire, c’est vraiment compliqué. »
À cela s’ajoute le fait que plusieurs personnes reçoivent de l’aide à la maison d’employés du réseau de la santé et des services sociaux, mais aussi de proches aidants, de voisins ou de bénévoles. « Ce ne sont pas des gens qui sont nécessairement formés pour la COVID-19, ou qui ont le droit de faire passer un test PCR, dit-il. Si la personne a des symptômes, il faut qu’elle sache rapidement si elle a la COVID-19 et si la personne est à l’aise de venir l’aider chez elle. »
La liste des personnes prioritaires a été élargie vendredi, rapporte Antoine Perreault, mais elle n’inclut toujours pas les personnes avec un handicap. « C’est bien que certaines personnes en lien avec les gens handicapés puissent maintenant se faire dépister », souligne-t-il toutefois.
Le RAAQ discute régulièrement avec des représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) depuis le début de la pandémie pour qu’il y ait des aménagements pour les personnes handicapées. « C’est problème sur problème sur problème. La plateforme en ligne pour prendre rendez-vous pour un vaccin n’est pas accessible [pour les personnes en situation d’handicap », déplore-t-il.
Le directeur général compte continuer d’interpeller le ministère pour élargir l’accès aux tests. « Nous espérons que le MSSS prendra conscience de l’importance de tenir compte des problèmes qui touchent les personnes handicapées », dit-il.
Nous vous invitons également à consulter la lettre ouverte qui a été rédigé dans cette intention :
Les personnes handicapées encore négligées
Depuis le 4 janvier, les tests PCR sont réservés aux personnes travaillant dans le réseau de la santé ou qui sont hospitalisées, aux personnes sans-abri, aux personnes autochtones et à celles qui travaillent dans des milieux jugés à haut risque.
En pleine flambée des cas, le reste de la population doit maintenant se tourner vers des tests rapides. Faute de disponibilité de ces tests ou de capacité à les utiliser, les personnes avec des symptômes devront tenir pour acquis qu’elles sont infectées et se placer en isolement.
Nous ne remettons pas en question l’importance de prioriser les dépistages. Mais il est inconcevable que les personnes handicapées n’aient pas droit aux tests PCR. Loin d’être exceptionnelle, cette exclusion fait suite à une longue liste « d’oublis » de la part du gouvernement depuis le début de la pandémie.
Une exclusion mettant plusieurs personnes en danger
Plusieurs personnes en situation de handicap requièrent un soutien à domicile pour accomplir des tâches essentielles de la vie quotidienne, comme se lever, s’habiller ou se nourrir, tandis que d’autres en ont besoin pour le ménage, la cuisine ou leurs déplacements. Ces personnes reçoivent donc régulièrement chez elles des gens travaillant dans la santé, des employés ou encore des proches aidants. Il est nécessaire d’assurer la sécurité des personnes handicapées ainsi que de celles et ceux qui leur viennent en aide. Ces gens ne peuvent se permettre un isolement préventif, ils doivent savoir s’ils ont la COVID-19 rapidement et efficacement.
Pour plusieurs personnes en situation de handicap, il est impossible d’effectuer un test rapide de façon autonome. Une limitation visuelle empêche de voir le résultat, par exemple, tandis que des problèmes de dextérité rendent irréalisables les différentes manipulations requises. Pour certaines, il est impraticable, voire dangereux, de s’insérer un écouvillon dans le nez. La procédure d’un test rapide requiert de passer deux tests dans un intervalle de 24 heures afin de confirmer un résultat négatif. Cela implique donc de recevoir à deux reprises le soutien d’une personne qui n’est pas nécessairement formée pour être en contact avec de possibles cas de COVID-19.
Des risques inacceptables
Depuis le début de la pandémie, le gouvernement s’entête à négliger les personnes handicapées, et ce, malgré toutes les interventions des organismes communautaires pour lui donner l’heure juste sur la réalité vécue par des milliers de Québécoises et de Québécois. Cela a assez duré, elles doivent être ajoutées sans plus tarder à la liste des groupes ayant droit aux tests PCR. C’est une question de sécurité et d’égalité.