PLEIN AIR : SKIER MALGRÉ LA CÉCITÉ
par MARIE TISON, LA PRESSE
Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas la pente qu’on ne peut pas la dévaler en ski alpin.
Depuis 25 ans, la Fondation des aveugles du Québec (FAQ) organise des sorties de ski alpin pour des jeunes ayant une déficience visuelle. Certains sont carrément aveugles, d’autres ont une cécité partielle.
« Ce que j’aime vraiment, c’est que je me sens en sécurité dans ce sport-là, indique François Bellemare, étudiant de 21 ans. Ça me permet de bouger, de me dépasser, de me sentir libre et autonome dans un sport que je n’aurais jamais pensé faire autrement qu’avec la FAQ. »
Sabrina Tellier, étudiante de 19 ans, aime aussi dépenser son trop-plein d’énergie sur les pentes. « Ça me permet de rencontrer des personnes qui ont le même handicap que moi », ajoute-t-elle.
Ces sorties permettent de briser l’isolement, confirme Steve Joseph, directeur du service des loisirs à la fondation. « Si ce n’était de l’école, si ce n’était de nous, beaucoup de jeunes aveugles resteraient chez eux », affirme-t-il.
C’est aussi une question d’intégration, de permettre à ces jeunes d’avoir accès aux activités que pratiquent les jeunes de leur âge. « Pourquoi eux autres et pas nous ? C’est vraiment ça », indique M. Joseph.
Il existe des sports qui ont été créés spécifiquement pour les aveugles, comme le goalball, ou qui ont été adaptés, comme le hockey sonore. Le club de hockey sonore Les Hiboux de Montréal existe d’ailleurs depuis 1978.
LE MONITEUR, C’EST LA CLÉ
Le ski alpin a toutefois un grand avantage. « Avec un moniteur, tout le monde peut en faire, fait valoir M. Joseph. Bien sûr, chacun y va à son propre rythme. » Chaque jeune est accompagné d’un moniteur ou d’un bénévole formé. Déjà, dans l’autocar qui conduit le petit groupe au centre de ski, le moniteur jase avec « son » jeune pour mieux connaître son niveau de handicap.
« Nous n’avons pas seulement des aveugles, mais aussi des jeunes ayant une cécité partielle. Mais qu’est-ce qu’ils voient ? Qu’est-ce qu’ils ne voient pas ? Est-ce qu’ils voient la dénivellation ? Est-ce qu’ils voient les bosses, ou est-ce qu’ils ne voient qu’un tapis blanc ? Ça dépend. »
— Steve Joseph, directeur du service des loisirs à la Fondation des aveugles du Québec
François Bellemare a un bon champ de vision, mais ne perçoit pas les détails. « Par exemple, je ne peux pas savoir si c’est un gars ou une fille qui est devant moi, mais je dis toujours que ce qui est important, c’est d’être capable d’éviter la personne, pas de savoir si c’est un gars ou une fille. »
Sabrina Tellier ne voit pas de l’œil gauche et ne perçoit pas les contrastes. « Les bosses, je ne les vois pas, raconte-t-elle. Parfois, la piste, je ne la vois pas. C’est pour ça que je dois faire confiance à mon moniteur. Je préfère qu’il soit devant moi : je peux alors percevoir le dénivelé en le voyant par rapport à moi. »
Si le jeune est débutant, le moniteur lui demande de placer ses skis en chasse-neige (ou en pointe de tarte, pour prendre une figure de style plus facile à comprendre) et de placer les bras dans la même position. En lui touchant la main gauche ou la main droite, le moniteur fait comprendre au jeune skieur sur quelle jambe il doit prendre appui pour effectuer un virage.
Lorsque le skieur est plus avancé, le moniteur n’a qu’à dire « hop » chaque fois qu’il doit effectuer un virage. Le fait de dire « gauche » ou « droite » pourrait créer de la confusion.
UN DON = UNE DESCENTE À L’AVEUGLETTE
En 25 ans, la Fondation des aveugles a pu peaufiner ses techniques. Cette année, toutefois, il y a eu du nouveau. Grâce à la Fondation des Canadiens de Montréal et à l’Opération Enfant Soleil (Fonds Josée-Lavigueur), les jeunes skieurs se sont vus remettre un équipement complet de ski alpin : skis, bâtons, bottes, casque.
« On gagne une heure et demie le matin, comparativement à ce qu’on devait faire lorsqu’on faisait la location, dit M. Joseph. Il fallait essayer l’équipement, les bottes ne faisaient pas, il fallait retourner… Ça aide énormément. » Ces dons ont également permis de réduire sérieusement le coût de l’activité.
La Fondation des aveugles profite de quelques-unes de ces sorties pour se faire connaître auprès de la population en général en organisant une activité « Tu n’as rien vu ». Le principe est simple : en échange d’un petit don, un voyant peut mettre un masque spécial et faire une courte descente à l’aveuglette.
Si les skieurs s’en sortent, les planchistes ont vraiment des difficultés à garder leur équilibre. « Ce n’est pas évident, même pour nos jeunes, dit M. Joseph. Nous en avons cinq ou six qui ont commencé la planche à neige. Il y a le ballant. Tu ne peux pas juste rester debout comme en ski. Tu dois t’asseoir, ou le moniteur doit te tenir les mains. »
Pour 2019, la Fondation des aveugles prévoit un grand coup : une sortie de ski dans les Alpes françaises, rien de moins. Sabrina Tellier sera du voyage. « Je suis tellement contente ! J’ai ressorti mes skis cet hiver pour être sûre d’avoir le niveau. »
La fondation continue à organiser d’autres activités, notamment un camp de la relâche et un camp d’été. Les activités physiques se succèdent et les jeunes dépensent une grande quantité d’énergie. Lorsqu’ils rentrent à la maison, ils sont vannés. « Les parents nous aiment beaucoup », rigole Steve Joseph.
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55 KM/H
C’est la vitesse à laquelle peut charger un ours noir. Usain Bolt peut atteindre une pointe de près de 45 km/h. Bref, même le sprinteur jamaïcain est moins rapide qu’un ours.
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