Ouverture d’un nouveau point de service à Drummondville
Dans un article paru dans le Nouvelliste, l’AÉRA annonçait l’ouverture de son tout nouveau point de service à Drummondville !
« Notre association promeut un monde inclusif et adapté à la déficience visuelle et favorise l’accès à des conditions de vie décentes afin de faciliter le quotidien de la personne en situation d’handicap visuel.
Instauré à Trois-Rivières depuis près de 50 ans, l’Association Éducative et Récréative des Aveugles est au service de la population handicapée visuelle de la Mauricie et du Centre-du-Québec. Il nous fait plaisir de vous annoncer que nous avons récemment réaménagé nos bureaux au cœur de la ville. Aujourd’hui situé dans l’édifice Ameau, au local 704 du 118 rue Radisson, l’AÉRA est fière de pouvoir accueillir sa clientèle dans un environnement plus accessible. De plus, c’est avec enthousiasme que nous vous annonçons également l’ouverture d’un tout nouveau point de service à Drummondville, situé au 1637 boulevard St-Joseph, local 104, offrant des services à proximité pour la clientèle du Centre-du-Québec.
L’AÉRA encourage la mobilisation de la collectivité dans une visée de défense des droits et de l’accroissement de l’autonomie afin que les personnes en situation d’handicap visuel de la Mauricie et du Centre-du-Québec puissent vivre comme elles l’entendent. En effet, l’AÉRA souhaite projeter l’image d’une personne avertie, bienveillante et dévouée au service de sa clientèle.
S’adressant à toute personne touchée par la déficience visuelle, l’AÉRA offre un éventail de services personnalisés de soutien, d’accompagnement, d’apprentissage et de rencontre. Concrètement, l’association offre un accès à un bureau multiservices facilitant l’accès à des outils d’adaptation pour la déficience visuelle, des formations et du soutien en technologie adaptée et aux outils adaptatifs, les services d’une intervenante sociale, des exercices adaptés, des causeries, des conférences avec des professionnels, une clinique d’impôts, des activités culturelles, des activités traditionnelles rassembleuses, et bien plus encore ! L’AÉRA offre également un programme s’adressant aux parents d’enfants handicapés visuels.
Pour de plus amples informations, vous pouvez communiquer avec la directrice générale de l’association, Karine Descôteaux.
Au plaisir de vous rencontrer ! »
Karine Descôteaux
Directrice générale
Association Éducative et Récréative des Aveugles
Édifice Ameau de Trois-Rivières, 7e étage Point de service de Drummondville
118, rue Radisson, local 704 1637 boulevard St-Joseph, local 104
Trois-Rivières, QC, G9A 2C4 Drummondville, Qc, J2C 2G4
Téléphone : 819-693-2372
Courriel : [email protected] Site internet : www.aera0417.com
Facebook : aera0417
Ce projet consiste en un suivi d’appels amicaux mensuel d’une durée d’environ 15 minutes durant lesquels un bénévole tient une conversation avec une personne ayant une déficience visuelle . Le bénévole est attitré à quelqu’un et elle effectuera le suivi durant au moins une année. Cela leur permettra de créer un lien fort entre eux et contribuera à briser l’isolement de l’individu. Aussi, le bénévole aura l’occasion d’apprendre à connaître la personne et il pourra s’adapter à ses préférences. Il est à noter que ces appels ne consistent pas en un suivi psychosocial. Le bénévole est amené à parler à la personne de façon conviviale et non intrusive ; si le besoin est, la personne sera référée à une ressource adéquate.
De plus, la directrice générale sera responsable de la formation et de l’encadrement des bénévoles qui participeront aux programmes.
Karine Descôteaux
Directrice générale
Je suis très heureux de soutenir l’Association éducative et récréative des aveugles dans ses activités de sensibilisation qui viennent en aide aux personnes ayant une déficience visuelle.
Il est important de mettre en lumière les nombreux services offerts par l’AÉRA afin d’informer la population des moyens qui existent pour améliorer la qualité de vie de ces personnes.
Les handicapés visuels ont besoin que la population soit sensibilisée à leur réalité et qu’elle comprenne leurs enjeux.
Je suis très sensible à la situation de ces personnes et j’invite la population à prendre conscience des nombreuses façons de venir en aide aux gens ayant une déficience visuelle pour favoriser leur inclusion au sein de notre communauté.
Jean-Denis Girard
La Presse, 2011-01-22, Plus
La beauté aveugle
par Hachey, Isabelle
La beauté. Tout le monde la recherche. On se met à plat ventre devant elle. On dépense des fortunes dans l’espoir de l’atteindre. En cosmétiques, au nom
de la mode, en chirurgies esthétiques. Nous avons demandé à des non-voyants ce qu’ils pensaient de l’obsession de notre siècle. Pour découvrir que les
vrais aveugles ne sont peut-être pas ceux que l’on croit.
Sa canne blanche à la main, Yves Fleury attendait le feu vert, rue Saint-Denis, quand un homme lui a offert son aide. Ils ont fait un bout de chemin ensemble.
L’homme, qui se rendait à la clinique des grands brûlés, lui a raconté son histoire.
“Il tenait une station service la nuit et des jeunes, non contents de le voler, l’avaient aspergé d’essence avant de mettre le feu, raconte M. Fleury. Il
était défiguré. Il m’a confié qu’il trouvait ça relaxant de me parler parce que je ne le voyais pas. Vous, les voyants, vous fermez tout de suite la porte
aux laids.”
Changement de décor. Il y a plusieurs années, Denise Beaudry a pris part à une soirée où une très belle femme trônait en reine. Tous étaient subjugués.
Tous, sauf Mme Beaudry, aveugle depuis l’enfance. Pour elle, il était évident que la belle était exécrable. Mais personne ne semblait s’en rendre compte.
La beauté nous éblouirait-elle au point de nous faire perdre tout sens critique? Les aveugles seraient-ils capables, beaucoup mieux que nous, de voir au-delà
des apparences?
Nous avons consulté sept aveugles, de Montréal à Paris, en passant par Berkeley. Ils nous ont livré leur perception de ce monde où le culte de la beauté
est une obsession.
Platon disait que le beau est bon. Depuis une dizaine d’années, une multitude d’études scientifiques ont prouvé qu’il avait tout faux. Que rien ne permet
de lier la beauté à la bonté, pas plus que la laideur au mal. Pourtant, les gens continuent à faire l’association. C’est tellement naturel, inculqué depuis
les contes de l’enfance, qu’ils le font peut-être sans même s’en rendre compte.
“Le plus gros piège pour les voyants, c’est de penser qu’une personne belle est quelqu’un de bien, dit M. Fleury. Un aveugle est moins encombré parce qu’il
ne voit pas. Alors, il écoute plus.”
En voilà un qui n’est pas assujetti au culte de la beauté.
“Pour moi, c’est un peu comme du chinois. Je n’y comprends rien. Les gens prennent des risques énormes à ne vivre qu’en surface. Ils n’ont plus de temps
aujourd’hui, ou ne veulent pas le prendre. Je ne vois plus depuis 33 ans et j’arrive à survivre sans être obsédé par la beauté. Ça n’a pas vraiment d’importance.
Il y a tellement de choses plus fondamentales.”
Pour les aveugles, il n’y aura jamais d’amour au premier regard. Marie-Claude Lavigne, aveugle de naissance, ne s’en plaint pas.
Elle a trop de pudeur pour toucher le visage des gens qu’elle ne connaît pas. “Quand j’ai touché mon mari pour la première fois, j’avais déjà une certaine
perception de lui. Je ne me suis pas dit “Oh mon doux, il a une barbe, un gros ventre”. L’apparence physique n’influence pas ma définition de la beauté.”
Les yeux du coeur
Superficielle, la beauté? Peut-être. Mais les études tendent à montrer que l’attirance pour les beaux visages et les corps parfaits est aussi très instinctive.
Presque animale. Nous choisissons de beaux partenaires en croyant qu’ils ont les meilleurs gènes pour assurer notre descendance. C’est la théorie de la
sélection naturelle.
Aux États-Unis, de récentes études neurologiques ont montré que la vue d’un beau visage stimulait la même région du cerveau que de la nourriture pour une
personne affamée, de la drogue pour un toxicomane ou de l’argent pour un joueur compulsif. L’être humain serait donc littéralement programmé pour réagir
à la beauté.
Les non-voyants eux-mêmes n’y sont pas insensibles, prévient Serge Poulin, aveugle de naissance. “Pour moi, “on ne voit bien qu’avec les yeux du coeur,
l’essentiel est invisible pour les yeux”… c’est n’importe quoi! Moi, une planche à laver, ça ne m’intéresse pas. Contrairement à beaucoup de gens, j’aime
les femmes qui ont des courbes.”
Le mythe du sixième sens
Martin Trépanier ne voit que la lumière et des formes très floues. Pourtant, il sait identifier une jolie femme quand il en croise une. Non pas qu’il soit
doté d’un sixième sens. “Il y a une assurance dans la voix des gens beaux”, explique-t-il. Une sorte de confiance en soi, parfois même une certaine arrogance.
Comme tous les aveugles, M. Trépanier a appris à mieux se servir des quatre sens qui lui restent. “Ce sont des antennes merveilleuses pour capter la beauté
du monde”, dit ce Gaspésien qui se nourrit du timbre de la voix, de la douceur de la peau ou du parfum d’une femme pour assouvir sa soif de beauté.
“Il y a un stéréotype selon lequel les aveugles posséderaient un sens surnaturel, comme s’ils pouvaient voir la beauté intérieure. Mais cela ne se fait
pas lors d’une première rencontre”, dit Georgina Kleege, professeure aveugle à l’Université de Berkeley en Californie.
“On dit souvent que la beauté est dans l’oeil de celui qui regarde, dit M. Trépanier. Mais elle est aussi dans l’oreille de celui qui écoute, dans la main
de celui qui touche.”
Un paradoxe
Aveugle de naissance, Marie-Claude Lavigne ne se préoccupe pas de l’apparence des autres. Pourtant, elle se soucie énormément du regard que les autres posent
sur elle.
“Je sais, c’est paradoxal, dit-elle. Les images de beauté des magazines et de la publicité sont très superficielles, mais on vit dans un monde social, et
même les aveugles en sont contaminés.”
Gili Hammer, doctorante à l’Université hébraïque de Jérusalem, a fait le même constat après avoir rencontré une cinquantaine d’Israéliennes aveugles. Des
musulmanes et des juives orthodoxes et laïques, séfarades et ashkénazes.
“Ces femmes sont très différentes les unes des autres. Pourtant, ce n’est pas comme si elles vivaient dans une tour d’ivoire et n’avaient aucune idée de
ce qu’est la féminité, la beauté, les demandes de la société par rapport au corps de la femme d’aujourd’hui.”
Parmi ces Israéliennes, certaines étaient très féminines, au point de s’épiler au laser et de se maquiller tous les jours. D’autres, au contraire, étaient
très décontractées et prenaient un certain plaisir à ne pas être esclaves du miroir. “Toutes, cependant, faisaient des efforts quotidiens pour paraître
normales. Pour être acceptées dans la société.”
“Pour nous, il ne s’agit pas tant de mettre en valeur nos charmes, mais d’être visuellement attirants, afin de dissiper le préjugé selon lequel les aveugles
ne seraient que des miséreux et des impotents, écrit Mme Kleege dans un essai sur la beauté. On ne nous demande pas de devenir beaux, mais de paraître
moins aveugles.”
La rédaction tient à souligner que l’auteur de cette chronique s’exprime à titre personnel.
La banalisation
Récemment, un membre de notre Regroupement me confiait son indignation face à l’expression populaire « souffrir d’une déficience visuelle ». Il estimait cette expression mensongère et humiliante puisque son état ne lui causait aucune douleur. Je lui fis observer que la privation d’une vision normale pouvait causer des souffrances psychologiques aussi bien que physiques sans parvenir à calmer son irritation.
Cette attitude me laissa songeur. D’autant plus que les propos d’une célèbre québécoise handicapée publiés dans un grand magazine m’avait consterné. En résumé, elle ne pouvait plus tolérer que le public souligne son courage de vivre avec une incapacité physique importante. Elle exigeait qu’on la considère comme une personne normale. Le mot est lâché, la normalité; cet idéal poursuivi, exceptionnellement atteint, par tant de personnes handicapées au Québec!
Dites-moi donc! Qu’est-ce qui nous pousse à tenter sans cesse de banaliser notre handicap et camoufler les difficultés que nous vivons quotidiennement? Croyons-nous vraiment afficher une meilleure autonomie en minimisant les limitations causées par la déficience visuelle lors d’une entrevue, d’un témoignage ou d’une simple conversation?
Il faut admettre que cette voie d’évitement nous est fermement indiquée depuis des décennies par tous les théoriciens du processus d’apparition du handicap. Eux-mêmes rarement handicapés, ils ont excellé dans l’art de manier l’euphémisme afin de normaliser coûte que coûte les anormaux que nous étions. Grâce à l’impulsion bienfaisante de ces « lologues », les aveugles sont tour à tour devenus des handicapés de la vue, des personnes atteintes d’une déficience visuelle, des personnes vivant avec une incapacité visuelle et des personnes ayant des troubles perceptifs. Et quoi encore! Si la tendance se maintient, nous serons bientôt des personnes légèrement désavantagées sur le plan visuel ou bien, des citoyens avec une vision atypique et, pourquoi pas, des gens qui voient différemment.
Certes, les sorciers de la rectitude politique ont adouci les vocables mais qu’ont-ils fait pour lever les obstacles encombrant toujours nos chemins? Chez l’humain, le sens le plus important est évidemment la vue. Une simple observation de notre vie moderne permet aisément de conclure que près de 85% de l’information captée durant une journée s’avère de nature visuelle. Par conséquent, toute personne privée en tout ou en partie de l’usage de la vue s’en trouve inévitablement limitée dans l’accomplissement de ses activités quotidiennes de façon sévère. J’ai acquis l’intime conviction que notre situation est grave et que nos efforts de dissimulation ne la rendent pas moins grave. À force de banaliser le handicap visuel en l’assimilant pratiquement à une simple différence, nous contribuons, je le crains, à la réduction de la solidarité, de la compassion et de la volonté d’accommodement raisonnable de la société québécoise envers ses citoyens aveugles et amblyopes. Il ne faut pas s’y tromper, la lucidité n’a jamais freiné la détermination ni l’autonomie.
Vous avez des commentaires, écrivez-moi à : [email protected].
Le Devoir, 2017-08-04
Actualités
Virginie Nussbaum
Ils sont non-voyants, mais peuvent se repérer dans l’espace en claquant des doigts ou de la langue. Zoom sur un radar à échos ultraperformant, qui commence à être entraîné dès le plus jeune âge.\r\nOn le surnomme Batman. Aucun masque à oreilles pointues, aucune cape flottant au vent pour autant. Si Daniel Kish mérite ce sobriquet, c’est qu’il a de la chauve-souris bien plus que les accessoires hollywoodiens : le pouvoir de se repérer dans la nuit.
Une nuit noire dans laquelle l’Américain est plongé depuis toujours, ou presque : atteint d’une tumeur de la rétine alors qu’il n’a que 13 mois, on doit lui retirer ses deux yeux. Lui reste alors, pour appréhender ce qui l’entoure, son sens de l’ouïe que Daniel Kish développe de manière… inouïe. Au point de parvenir aujourd’hui, tout comme les mammifères nocturnes, à ” voir ” le monde grâce aux seuls sons qu’il émet.
En général, c’est un claquement de langue. Ou le bruit de sa canne sur le sol. Des flashs sonores envoyés dans l’espace, qui se répercutent sur les surfaces alentour avant de lui revenir sous la forme d’échos chargés d’informations.
” Je peux sentir l’emplacement d’un objet, sa dimension, ses contours et sa texture. Par exemple, je saurais reconnaître une étagère remplie de livres, car ceux-ci renvoient un écho particulier “, détaille Daniel Kish. Qui construit ainsi une vraie image de la pièce où il se trouve, bien qu’il ne l’ait jamais vue.
Génétique programmée
Un sonar semblable à celui de la chauve-souris ou du dauphin, mais à la performance bien plus modeste.
” Chez ces animaux, l’écholocalisation est génétiquement programmée, alors que chez l’humain, le cerveau s’adapte pour la développer. Nous apprenons au fur et à mesure à construire l’espace en alliant notre déplacement au son que nous produisons “, explique Roland Maurer, éthologue à l’Université de Genève, spécialisé en orientation spatiale.
Avec son radar surdéveloppé, Daniel Kish peut donc voyager, se promener en pleine nature et même faire du VTT. Des exploits qui l’ont érigé au rang de superhéros de l’écholocalisation, avant même qu’il ne fonde, en 2000, World Access for the Blind, organisation qui aide les aveugles à maîtriser l’écholocalisation et forme les voyants à l’enseigner.
Société ” paternaliste ”
Des cours et ateliers dont ont déjà bénéficié 500 personnes dans près de 40 pays avec, à terme, un double objectif : favoriser le développement des personnes non voyantes, tout en sensibilisant le public à leur potentiel.
” Notre société attend tellement peu des aveugles. Elle s’imagine qu’on ne peut pas fonctionner sans nos yeux et donc qu’il faut nous en prêter constamment. Il s’agit d’une mentalité paternaliste “, dénonce Daniel Kish, qui prône au contraire l’autonomie et la débrouillardise dès le plus jeune âge.
” Si j’ai pu développer cette aptitude, c’est d’abord parce que mes parents ont vu au-delà de ma cécité. Ils m’ont toujours encouragé à interagir avec mon environnement, sans restriction ni appréhension. L’écholocalisation, c’est comme un langage : on peut l’apprendre sur le tard, mais c’est plus difficile et ça ne deviendra jamais une langue maternelle. ”
Bibliothèque de bruits
Jean-Marc Meyrat, lui aussi, a appris à dompter les échos. Ce Neuchâtelois d’origine a perdu la vue alors qu’il était encore enfant et, autant qu’il s’en souvienne, il a toujours fait appel à l’écholocalisation. Mais c’est en lisant un article de Daniel Kish qu’il en a vraiment pris conscience et s’est intéressé à cette fascinante prouesse cérébrale. ” On peut retracer l’écholocalisation jusqu’à l’Antiquité lorsque les marins, lors des jours de brouillard, tiraient au canon pour savoir s’ils approchaient des terres ! ”
La résonance du bois, du béton, mais aussi celle d’un abribus, Jean-Marc Meyrat la reconnaît au premier claquement de doigts (qu’il préfère à celui de la langue, moins discret). ” C’est comme une sorte de banque d’échos, une bibliothèque de bruits que l’on vient enrichir au fil des années. ” Avec une certaine marge d’erreur.
” Je me suis souvent exercé à passer entre les voitures sans toucher les pare-chocs. Parfois, on rate lamentablement “, plaisante-t-il.
À 58 ans, il travaille à l’Association pour le bien des aveugles et malvoyants (ABA), à Genève, où il donne des cours d’apprentissage sur iPhone. Il se sert d’ailleurs des ” clics ” pour repérer la porte d’entrée de l’immeuble. Mais les considère plutôt comme un outil complémentaire aux moyens traditionnels. ” À mon âge, cela demande une grande concentration, surtout en fin de journée. ”
Robot à échos
En Suisse, un groupe de professionnels romands s’est formé à la méthode il y a deux ans. Parmi eux, Denise Javet Ruedin, ergothérapeute valaisanne spécialisée en réadaptation visuelle et membre de l’Association des indépendants spécialistes en basse vision, qui s’est elle-même prêtée à l’exercice dans les rues de Lausanne. Elle propose désormais à ses patients l’approche par le son, en fonction de la demande et des circonstances.
” On ne peut par exemple pas se servir de l’écho pour sentir les obstacles au sol, comme des bordures de trottoir. Là, la canne longue reste centrale. ”
Peut-être est-ce l’effet Kish, toujours est-il que la science semble elle aussi s’intéresser davantage à l’écholocalisation.
Au début de l’été, le chercheur suédois Bo Schenkman présentait une étude décortiquant les différentes caractéristiques du son prises en compte par ces ” sonars humains “. À l’École polytechnique fédérale de Lausanne, une équipe travaille même sur la création d’un robot sachant se diriger dans une pièce grâce aux échos, comme Daniel Kish.
Un regain d’intérêt que ce dernier voit d’une très bonne oreille. D’ailleurs, il apprécie la Suisse, et notamment les Alpes, qu’il a arpentées lors de sa dernière visite, jusque sur les hauteurs de Grindelwald.
LA PRESSE CANADIENNE
Les personnes ayant une déficience visuelle interpellent les élus, et leur demandent de «voir plus clair» pour les soutenir. À l’occasion de la Semaine québécoise de la canne blanche, les regroupements représentant les aveugles et les «malvoyants» applaudissent les avancées technologiques majeures qui leur viennent en aide, mais ils rappellent que l’accessibilité universelle à tous les services n’est pas atteinte.Au nombre de 300 000 au Québec, ils doivent encore composer quotidiennement avec de nombreuses difficultés.Plusieurs organismes communautaires militent notamment en faveur d’aménagements favorisant l’accès pour tous aux lieux publics et à l’information.
L’accession à un travail pour une personne non-voyante pose des problèmes. Selon les regroupements, il existe encore de la discrimination; de plus, les nouvelles technologies sont souvent une barrière difficile à franchir.
Ils notent que plusieurs mesures sont à la portée des élus de tous les paliers de gouvernement afin d’abaisser les barrières qui empêchent les non-voyants de s’intégrer.
Une chronique de Jean Brière
Je conserve un souvenir impérissable de l’arbre de Noël de mon enfance. Je ne me lassais pas de contempler le merveilleux sapin qui trônait fièrement à chaque fin d’année dans le salon familial. Les arbres de Noël préférés de nos jours sont généralement naturels, en dépit des apparentes préoccupations environnementales. Mon sapin à moi était on ne peut plus artificiel et écologique. Son tronc argenté, maigre comme un manche à balai, supportait des tiges d’acier en guise de branches. Ces dernières étaient hérissées de milliers de brindilles en papier d’aluminium qui brillaient comme des diamants. Garni de ses boules de Noël rouges et protégeant sa modeste crèche, il m’apparaissait tout à fait splendide.
En décembre 1964, j’étais un petit garçon de cinq ans affublé de lunettes épaisses comme des fonds de bouteille. Un matin, maman m’annonça que mon père était tombé gravement malade durant la nuit; on avait dû le transporter à l’hôpital. Elle ajouta que papa, ce vaillant ouvrier, serait dorénavant paralysé et invalide. Quel drame pour notre famille! Mes réflexions enfantines prirent alors une direction honteusement égoïste; pas de travail = pas d’argent = pas de cadeau à Noël! J’osai en parler à maman qui m’arrêta net d’un laconique «on verra». Jamais je ne rendrai suffisamment hommage à mes parents qui ont su satisfaire tous nos besoins essentiels malgré des revenus familiaux minuscules. Je ne sais par quel prodige, mais cette année-là et celles qui ont suivi, notre arbre de Noël a abrité des étrennes pour tous les enfants de la maison.
Un album de Tintin, une station-service pour mes autos miniatures, un G.I. Joe, j’étais enchanté par mes cadeaux et n’avais aucunement conscience de la première leçon de courage prodiguée par ma mère. Soupçonnait-elle que la détermination et le courage seraient mes meilleurs, sinon mes seuls alliés durant toute ma vie de non-voyant? Croyez-moi, j’en ai eu besoin pour accepter de déployer trois fois plus d’effort afin d’obtenir le même résultat que n’importe quelle personne voyante; aussi, pour me relever sans cesse après chaque chute en feignant l’indifférence; encore, pour endurer stoïquement les railleries et l’ostracisme de mes collègues de classe et de travail; en somme, pour faire mon chemin bravement dans un monde hostile peuplé d’obstacles physiques, psychologiques et sociaux.
Toutes les personnes handicapées visuelles que je connais font preuve, de diverses façons, d’un grand courage dans leurs gestes quotidiens. Cependant, pour des raisons obscures, nous sommes enclins à le cacher ou le minimiser. Pourtant, affronter constamment des contraintes majeures imposées par la déficience visuelle nécessite, selon moi, davantage de courage que gravir une montagne ou publier un livre dénonçant une agression subie vingt ans auparavant. Oui, j’admire les gens réellement courageux. Nous avons développé cette précieuse qualité et pouvons à juste titre en concevoir de la fierté.
En ce qui me concerne, je n’y vois maintenant plus rien et le beau sapin de mon enfance ne brille plus que dans ma mémoire mais la leçon maternelle reçue alors, demeure toujours bien vivante et mainte fois déterminante dans ma vie de quadragénaire handicapé visuel.
Joyeux Noël à vous tous!
Jean Brière
par MARIE TISON, LA PRESSE
Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas la pente qu’on ne peut pas la dévaler en ski alpin.
Depuis 25 ans, la Fondation des aveugles du Québec (FAQ) organise des sorties de ski alpin pour des jeunes ayant une déficience visuelle. Certains sont carrément aveugles, d’autres ont une cécité partielle.
« Ce que j’aime vraiment, c’est que je me sens en sécurité dans ce sport-là, indique François Bellemare, étudiant de 21 ans. Ça me permet de bouger, de me dépasser, de me sentir libre et autonome dans un sport que je n’aurais jamais pensé faire autrement qu’avec la FAQ. »
Sabrina Tellier, étudiante de 19 ans, aime aussi dépenser son trop-plein d’énergie sur les pentes. « Ça me permet de rencontrer des personnes qui ont le même handicap que moi », ajoute-t-elle.
Ces sorties permettent de briser l’isolement, confirme Steve Joseph, directeur du service des loisirs à la fondation. « Si ce n’était de l’école, si ce n’était de nous, beaucoup de jeunes aveugles resteraient chez eux », affirme-t-il.
C’est aussi une question d’intégration, de permettre à ces jeunes d’avoir accès aux activités que pratiquent les jeunes de leur âge. « Pourquoi eux autres et pas nous ? C’est vraiment ça », indique M. Joseph.
Il existe des sports qui ont été créés spécifiquement pour les aveugles, comme le goalball, ou qui ont été adaptés, comme le hockey sonore. Le club de hockey sonore Les Hiboux de Montréal existe d’ailleurs depuis 1978.
LE MONITEUR, C’EST LA CLÉ
Le ski alpin a toutefois un grand avantage. « Avec un moniteur, tout le monde peut en faire, fait valoir M. Joseph. Bien sûr, chacun y va à son propre rythme. » Chaque jeune est accompagné d’un moniteur ou d’un bénévole formé. Déjà, dans l’autocar qui conduit le petit groupe au centre de ski, le moniteur jase avec « son » jeune pour mieux connaître son niveau de handicap.
« Nous n’avons pas seulement des aveugles, mais aussi des jeunes ayant une cécité partielle. Mais qu’est-ce qu’ils voient ? Qu’est-ce qu’ils ne voient pas ? Est-ce qu’ils voient la dénivellation ? Est-ce qu’ils voient les bosses, ou est-ce qu’ils ne voient qu’un tapis blanc ? Ça dépend. »
— Steve Joseph, directeur du service des loisirs à la Fondation des aveugles du Québec
François Bellemare a un bon champ de vision, mais ne perçoit pas les détails. « Par exemple, je ne peux pas savoir si c’est un gars ou une fille qui est devant moi, mais je dis toujours que ce qui est important, c’est d’être capable d’éviter la personne, pas de savoir si c’est un gars ou une fille. »
Sabrina Tellier ne voit pas de l’œil gauche et ne perçoit pas les contrastes. « Les bosses, je ne les vois pas, raconte-t-elle. Parfois, la piste, je ne la vois pas. C’est pour ça que je dois faire confiance à mon moniteur. Je préfère qu’il soit devant moi : je peux alors percevoir le dénivelé en le voyant par rapport à moi. »
Si le jeune est débutant, le moniteur lui demande de placer ses skis en chasse-neige (ou en pointe de tarte, pour prendre une figure de style plus facile à comprendre) et de placer les bras dans la même position. En lui touchant la main gauche ou la main droite, le moniteur fait comprendre au jeune skieur sur quelle jambe il doit prendre appui pour effectuer un virage.
Lorsque le skieur est plus avancé, le moniteur n’a qu’à dire « hop » chaque fois qu’il doit effectuer un virage. Le fait de dire « gauche » ou « droite » pourrait créer de la confusion.
UN DON = UNE DESCENTE À L’AVEUGLETTE
En 25 ans, la Fondation des aveugles a pu peaufiner ses techniques. Cette année, toutefois, il y a eu du nouveau. Grâce à la Fondation des Canadiens de Montréal et à l’Opération Enfant Soleil (Fonds Josée-Lavigueur), les jeunes skieurs se sont vus remettre un équipement complet de ski alpin : skis, bâtons, bottes, casque.
« On gagne une heure et demie le matin, comparativement à ce qu’on devait faire lorsqu’on faisait la location, dit M. Joseph. Il fallait essayer l’équipement, les bottes ne faisaient pas, il fallait retourner… Ça aide énormément. » Ces dons ont également permis de réduire sérieusement le coût de l’activité.
La Fondation des aveugles profite de quelques-unes de ces sorties pour se faire connaître auprès de la population en général en organisant une activité « Tu n’as rien vu ». Le principe est simple : en échange d’un petit don, un voyant peut mettre un masque spécial et faire une courte descente à l’aveuglette.
Si les skieurs s’en sortent, les planchistes ont vraiment des difficultés à garder leur équilibre. « Ce n’est pas évident, même pour nos jeunes, dit M. Joseph. Nous en avons cinq ou six qui ont commencé la planche à neige. Il y a le ballant. Tu ne peux pas juste rester debout comme en ski. Tu dois t’asseoir, ou le moniteur doit te tenir les mains. »
Pour 2019, la Fondation des aveugles prévoit un grand coup : une sortie de ski dans les Alpes françaises, rien de moins. Sabrina Tellier sera du voyage. « Je suis tellement contente ! J’ai ressorti mes skis cet hiver pour être sûre d’avoir le niveau. »
La fondation continue à organiser d’autres activités, notamment un camp de la relâche et un camp d’été. Les activités physiques se succèdent et les jeunes dépensent une grande quantité d’énergie. Lorsqu’ils rentrent à la maison, ils sont vannés. « Les parents nous aiment beaucoup », rigole Steve Joseph.
SUGGESTION VIDÉO
LA MAJESTÉ DE L’EVEREST
Alors que les équipes d’alpinistes commencent à arriver au Népal pour l’ascension de l’Everest, cette vidéo d’Elia Saikaly nous permet de constater la majesté de cette montagne.
LE CHIFFRE DE LA SEMAINE
55 KM/H
C’est la vitesse à laquelle peut charger un ours noir. Usain Bolt peut atteindre une pointe de près de 45 km/h. Bref, même le sprinteur jamaïcain est moins rapide qu’un ours.
Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.